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Affaire Cotco : le camp camerounais se fissure

Un recadrage en règle. La sortie du secrétaire général de la Présidence de la République, par ailleurs président du conseil d’administration de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), est venu couper court aux velléités de dépassement de prérogatives de l’Administrateur-directeur général, Adolphe Moudiki. De fait, en date du 30 mai 2023, l’A-DG saisit le ministre des Finances à l’effet de se plaindre du comportement de Mme Judith Menguele, représentante du ministère des Finances au conseil d’administration de Cameroon Oil Transportation Company (Cotco), tenu à Paris le 24 mai 2023.

L’ADG accuse le haut fonctionnaire, par ailleurs chef de la division des participations et des contributions au ministère des Finances, de s’être «illustrée par des prises de position contraires à celles du représentant de la SNH, manifestant ainsi publiquement une divergence de la partie camerounaise dans ce dossier». Poursuivant sur sa lancée, Adolphe Moudiki révèle que Mme Judith Menguele n’a pas approuvé les résolutions proposées par Savannah Energy sur les activités bancaires de Cotco, le remplacement du Président directeur général et le rapport d’activités de la société ».

Pour l’homme qui dénie également à Mme Menguele la qualité de siéger aux assemblées générales de Cotco en lieu et place de la SNH, seule actionnaire de Cotco pour le compte du Cameroun, le même jour dans la capitale française, cette attitude est contraire aux orientations du partenariat stratégique conclu entre la SNH et Savannah Energy dans la perspective d’augmenter sa participation au capital de Cotco.

«Bien qu’informée de cette orientation qui préserve les intérêts du Cameroun dans Cotco, votre collaboratrice a choisi de s’en démarquer en exprimant sur les points susvisés, un vote divergent de celui du représentant de la SNH», indique-t-il.

Parce que « cette situation conforte le Tchad dans ses prétentions hégémoniques dans cette société stratégique et un refus de collaborer avec la SNH », l’Adg s’estime « contraint » de ne pas avoir d’autre choix que « procéder au remplacement de Mme Menguele dans le conseil d’administration de Cotco». Aussi se chargera de désigner personnellement un nouvel administrateur  «dès le prochain conseil, soucieux de la défense des intérêts stratégiques de l’Etat du Cameroun dans Cotco».

Cette sortie épistolaire ne recevra cependant pas de réponse du ministère des Finances. Mais c’est du Secrétariat général de la Présidence de la République que viendra la douche froide viendra le 8 juin 2023. «Faisant suite à la note que vous avez adressée au président de la République en date du 30 mai 2023, j’ai l’honneur de vous faire connaître qu’il instruit le maintien de Mme Judith Menguele dans ses fonctions de représentante du ministère des Finances au conseil d’administration de Cotco», répond Ferdinand Ngoh Ngoh à l’A-DG de la SNH.

Ces éclats de voix entre camerounais dans l’affaire Cotco, ont une origine qui reste inconnue. Toutefois, l’on se souvient que ce feuilleton a démarré avec la transaction conclue entre la SNH et Savannah Energy sur la cession de 10% de ses parts au capital de Cotco. S’en est suivie le rappel de l’ambassadeur tchadien accrédité à Yaoundé à Ndjamena, puis des visites réciproques des secrétaires généraux des deux présidences de la République.

La pierre d’achoppement qui était la validation par le Cameroun du rachat des parts de Petronas par la Société des hydrocarbures   du Tchad, en vue de l’approbation de la transaction par la Commission communautaire de la concurrence, a été enlevée avec la recevabilité du dossier par la Commission de la Cemac le 15mai 2023. Depuis lors, le Tchad contrôle à hauteur de 53,7%la Cotco.

Pipeline

Si le camouflet du SG/PR stoppe net les élans de dépassement de prérogatives de l’Adg, l’euphorie de la mainmise tchadienne sur Cotco n’eclipse pas la réalité concernant l’avenir de l’oléoduc, pris en tenailles par des querelles d’égo. Car, à la vérité le destin du pipeline Tchad-Cameroun, vieux de 23 ans, et sujet à l’érosion des sols et à la corrosion des tuyaux en acier, pourrait connaître de bien fâcheux jours.

«Quand Exxon Mobil et Petronas décident de partir, c’est en réalité parce que l’infrastructure affiche de sérieux soucis de maintenance et le budget pour cela pourrait dépasser le coût de construction d’un oléoduc neuf ; du coup, tous les plans de maintenance qui ont été proposés à ces majors n’ont pas reçu de suite. Ils ont tout le temps demandé de patienter jusqu’au jour où on a appris qu’ils étaient sur le départ. Et là on a compris qu’ils ne voulaient plus investir», relate une source proche de la direction générale de Cotco.

Restrictions bancaires

Au-delà, les restrictions bancaires imposées par les autorités tchadiennes concernant les mouvements de fonds de l’entreprise, signées le 2 juin 2023, constituent des limites, voire des contraintes rédhibitoires au déroulement de l’activité quotidienne de l’oléoduc tant au niveau des plateformes pétrolières, de l’entretien que des travaux de maintenance.

«Imaginez un instant que Cotco ne puisse plus payer ses fournisseurs et autres prestataires qui permettent d’assurer d’importants travaux de maintenance sur l’oléoduc qui présente déjà des signes de dégradation, nous courons vers une catastrophe naturelle si les tuyaux ne sont pas sertis, les soudures pas effectuées et si les travailleurs qui sont sur les plateformes pétrolières de Cotco où est embarqué le pétrole brut ne sont pas nourris ; sans oublier les travaux de désherbage des emprises du pipeline», s’interroge un haut responsable de Cotco.

D’après lui, la masse salariale de Cotco ne représente que 20% des effectifs réels de la société. «Ce sont des contrats de travail hypocrites ; les opérateurs qu’étaient Exxon Mobil et les autres, avaient sous-traité 80% de la main d’œuvre de la société à des prestataires externes. Or, ces restrictions bancaires qui s’étendent aux mouvements de fonds vers l’étranger, ne concernent pas le paiement des salaires des employés camerounais et tchadiens de Cotco, des impôts, taxes et contributions sociales dus aux administrations publiques du Cameroun et du Tchad», explique une source proche du dossier.

En revanche, poursuit-elle, «les factures de maintenance du pipeline, l’entretien des emprises le long de l’oléoduc, la nourriture des travailleurs sur les plateformes pétrolières ne pourront plus être payées à la banque tant qu’il n’y aura pas de levée formelle de ces restrictions parce que ces rubriques ne ressortent pas sur le communiqué des autorités tchadiennes. Les salaires sont donc un poste dérisoire par rapport au volume des dépenses effectuées par semaine pour le compte de la sous-traitance».

Ainsi par exemple, pour ce qui est de l’approvisionnement en nourriture des travailleurs des plateformes, l’on pourrait avoir sur le même site, des personnels payés tandis que d’autres attendront la levée des restrictions bancaires. Bien plus, si les travaux de maintenance ne sont pas réalisés à cause de ces blocages, il y a des risques importants pour les communautés traversées par l’oléoduc, des dégâts économiques et socio-environnementaux inestimables.

Eco Matin

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